Significations des noms donnés en montagne
Le 5 février 2018,
Voici aujourd'hui une petite parenthèse culturelle !
Cet article a été publié sur un groupe Facebook de montagne, et je remercie Claire de m'avoir autorisée à le reproduire ci-dessous.
Les premiers noms ont été donnés aux montagnes il y a 8000 ans par les Ligure, un peuple qui parlait une langue pré-celte.
Ils nommaient surtout les montagnes qui avaient une utilité : pour faire paître les troupeaux ou aller chasser. Il y a quelques exceptions : le plus haut sommet a été appelé « Blîn » qui signifie justement « sommet », « extrémité ». Plus tard lui a été adjoint le mot « Mons ». Le Mons Blîn a ensuite changé de nom au XIVème siècle quand un poète italien a préféré remplacer Mons Blîn, trop peu joli à son goût, par « Mont Blanc ». D’autre sommets qui portent un nom en rapport avec « blanc » ont la même origine.
L’aiguille voisine était surplombée par le soleil vers midi, ce qui permettait d’indiquer approximativement l’heure à une époque où le village de Chamonix n’avait pas les moyens d’ajouter une horloge au clocher de son église. C’est donc ainsi qu’a été désignée l’Aiguille de Midi, devenue ensuite l’Aiguille du Midi. De même, en milieu de journée, au moment du Goûter, le soleil se trouvait au-dessus d’une aiguille qui a alors pris ce nom.
En Haute-Savoie, de nombreux noms de montagne proviennent de diverses langues telles que le ligure, le celte, le gaulois, le latin, le franco-provençal et le patois. Souvent, ces noms signifiaient « rocher », « tas de pierres » ou encore désignaient le cours d’eau qui rendait attractif un pan de montagne, car les éleveurs pouvaient y laisser leurs bêtes.
« Car », « Char », « Chau », « Chat », « Mar », « Ar » signalent un rocher, une montagne. On l’entend dans « Arcalod », « Arclosan ». Sans doute ces noms signifiaient-ils « Montagne de Calod » ou « Montagne de Closan », du nom des éleveurs qui utilisaient ces pentes pour y faire paître leurs troupeaux.
Souvent par méconnaissance de la signification de la racine à l’origine d’un mot, certaines montagnes ont un nom redondant, ce qui crée une tautologie, car a été ajouté un terme (par exemple Mont ou Roc) à un mot dont le sens voulait déjà dire la même chose. Par exemple, le Roc de Chère, dont le deuxième mot provient de la racine « Char » qui signifie la même chose que le premier. C’est le cas également du col de Cou. Et également le lac de Lauvitel (Lauvitel signifiant "lac").
« Saix », « Sex », « Se », « Van » désignent un sommet rocheux. À Flaine, les « Grands Vans » proviennent de cette racine. À certains endroits, les cartographes l’ont remplacé par le mot « vent », par erreur.
« Oue » désigne un cours d’eau et, une fois modifié, donne le nom à certaines rivières qui s’appellent aujourd’hui « La Loue », comme à Ornans, dans le Doubs. Ou alors le nom d’origine qui signalait un cours d’eau a été remplacé par « Loup », comme le Pas du Loup, sans aucun rapport avec l’animal.
À l’origine, la racine « Alp » n’évoquait pas un alpage, mais un cours d’eau, qui rendait une zone de montagne compatible avec le pâturage des troupeaux. Ce n’est que par extension que ce qui désignait le ruisseau s’est mis à désigner la zone de pâturage, que l’on appelle aujourd’hui, l’alpage. Cette racine s’est déclinée ensuite en « arp », « ard », « aulp », « ars », « arc », « arb », « arv », « alt »… À certains endroits, le « a » a été remplacé par « o ».
« Praz » se rapporte au mot « pré ».
« Cluse » désigne un endroit en cul de sac, à cause d’une montagne qui bouche la sortie ou d’un précipice.
« Var » désigne une paroi escarpée. On retrouve cette racine dans le nom de la falaise du Salève, les « Varappes », qui a ensuite donné son nom à l’activité. Les aiguilles de Varan à Sallanches ont aussi cette origine. Les Sallanchards l’écrivent parfois comme le nom de Madame de Warens qui a vécu dans la région et qui pris en charge l’éducation de Jean-Jacques Rousseau, ce pourquoi on retrouve plusieurs orthographes : Varan, Warens et même Varens.
« Balme », « Barme », « Baume » désignent, à l’origine, un rocher, puis un abri naturel comme une pierre sous laquelle on peut s’abriter ou une grotte. Entre Cluses et Sallanches, le village et les rochers de la Balme côtoient effectivement des grottes.
« Eve » désigne un cours d’eau, un ruisseau. On retrouve cette racine dans le nom « l’Evoiron » qui est devenu « Les Voirons ».
De nombreux noms de montagnes ont été modifiés par les cartographes qui se trompaient dans la retranscription du vieux français, notamment avec le F et le S qui se ressemblent beaucoup.
Encore récemment, des noms sont été modifiés. C’est le cas du col du Câble et du pas de la Truie, proches tous deux de la Roche Parnal. Le col a été appelé « du sable » sur certaines cartes qui ont ensuite été corrigées, alors qu’il s’agissait bien d’un câble, celui qui permettait, à une époque, de redescendre le lait. Plus bas se trouvait le Pas du Treuil, lui aussi impliqué dans la descente du lait, devenu ensuite Truie par une erreur de copie.
Autre exemple : les dents de Lanfon qui s’appelaient jadis « Denson » puis « Denfon » puis « D’enfon » puis « L’enfon ». Tout proche, le « Lanfonnet », sorte de petites dents de Lanfon, est une appellation locale qui n’est pas répertoriée. Son vrai nom est la roche Murraz.
Les appellations « col » et « montagne » ont aussi varié. Leur sens a été inversé. À l’origine, le col (« collis » en latin : hauteur) désignait le sommet, mais celui-ci importait peu pour les habitants des lieux. Seul le passage leur était utile pour passer d’un côté à l’autre de la montagne. Le mot « col » a donc désigné le passage et non plus le sommet. De même, « L’agne » ensuite agrémenté de « Mont » désignait le pâturage et non pas les rochers et les sommets.
Quatre couleurs permettent de nommer les montagnes :
* Le rouge, parfois à cause de la couleur des roches, comme c’est le cas dans la réserve des Aiguilles Rouges, au-dessus de Chamonix, mais souvent à partir de la racine « Russ », certainement d’origine ligure ou gauloise, qui signifiait hauteur, sommet et qui a été transformée en « rousse » ou « rouge ». Par exemple, en Isère, il y a les « Grandes Rousses » ainsi que la « Pointe des Rosses » en Haute-Savoie.
* Le noir, car il évoquait les zones recouvertes d’arbres persistants foncés, comme les résineux.
* Le vert pour les zones verdoyantes plantées d’arbres caduques qui sont d’un vert lumineux à la belle saison. L’aiguille Verte de Chamonix fait office d’exception, car ses parois rocheuses sont loin d’être verdoyantes. Il s’agit de la déformation du mot « envers » qui désignait le côté ubac, envers de la montagne.
* Le blanc qui se rapporte souvent au mot « blîn », qui signifie le sommet.
De nombreux endroits ont été nommés en fonction des végétaux que l’on pouvait y trouver : soit des plantes médicinales, soit des arbres dont le bois avait une utilité. Par exemple, le hêtre, aussi appelé « fayard », a inspiré le nom des montagnes qui portent le terme « Foug » ou « Feu ». Le meilleur exemple est la commune du Fayet.
« Verne » provient de l’aulne, un autre arbre utilisé par exemple pour fabriquer les pontons, son bois étant imputrécible.
De nos jours, c’est le Club Alpin Français qui valide les nouveaux noms de montagne. Ils sont parfois donnés en hommage à un alpiniste, rarement à une femme. Quelques rares sommets portent le prénom d’une alpiniste ou d’une reine, mais pas leur nom de famille.
Souvent, c’est le hasard, l’imagination ou la forme qui ont permis de nommer les montagnes. Par exemple, l’M de Chamonix, ou l’Index. Sans doute la forme d’une dent peut-elle expliquer le nom donné à la Dent du Requin, au-dessus de la Mer de Glace. D’autre sommets proches portent aussi des noms d’animaux qui arborent de grandes dents : la Dent du Caïman, la Dent du Crocodile. En face, près de l’Aiguille du Moine, nommé ainsi pour des raisons qui n’avaient rien à voir avec un moine, les sommets alentour ont reçu « logiquement » des noms en rapport avec la religion : l’Enfant de Chœur, la Nonne, le Cardinal… dans une chaîne appelée « Les Ecclésiastiques ».
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